Note filmique #5 / Webdoc and Co

Ce fameux web-doc !! Où en est-on ?

Les chaînes veulent toutes leur exposition internet, on clame partout la mort prochaine de la télé tombant du ciel dans le cerveau disponible de chacun, on ne veut plus que des projets de films accompagnés de leur pendant internet !!

Mais qui regarde des web-docs ?? Qui d'ailleurs s'amuse à en produire ? Les producteurs partent en courant des qu'on prononce ce mot ! Pas de modèle économique, pas d'audience, beaucoup trop cher, pas de circuits de financements suffisants...


Notes prises pendant un stage webdoc (Cinédoc à Annecy). C'est très intéressant !

Une bonne question pour démarrer : qu'est-ce qu'on pourrait faire sur internet qu'on ne fait pas à la télé ?
De l'interactivité bien sûr ! Donc, le webdoc c'est... interactif !
Quelle expérience va-t-on proposer à l'internaute ? Il faut une expérience dense, une expérience personnelle, en immersion. Il faut placer l'internaute au centre du récit.
L'idée initiale du web était de relier les gens entre eux. Maintenant on peut apprendre et contribuer.
L'auteur devient un architecte narratif. Il faut "gamifier" le récit : 1 événement interactif = 1 point de montage. L'évènement interactif (le clic) devient le noeud temporel du récit. Mais les pages web peuvent aussi avoir une dimension temporelle, elles ont une durée intrinsèque, que l'internaute peut modifier par son comportement.

Il y a plusieurs types de comportements, d'actions possibles :
                          - accéder à des ressources
                          - manipuler des contenus
                          - produire du contenu (posts...)Il faut animer, entretenir "sa" communauté, "son" public web : c'est le community managment. Quelqu'un a établit une loi mathématique (!) :
        pour 100 000 internautes qui regardent une page web
        >>>     1 000 pensent qu'ils pourraient/aimeraient bien contribuer,
        >>>          10 disent qu'ils vont le faire
        >>>             1 va vraiment le faire !!




















Si on veut définir un projet webdoc, on peut se poser ces questions :
    - quel sujet, quel support, quel endroit (lieu-univers du récit)
    - quel principe de navigation (navigation contrainte -peu interactive, chaînage à choix en arborescence : divergents, en boucle, choix définitifs, en arête de poisson...) > de toutes façons, c'est plutôt une bonne idée de varier les architectures narratives, une navigation riche et variée évite de lasser - mais on peut être un peu perdus...
   - quelle intention (pourquoi parler de telle chose), quels enjeux (en quoi ce sujet résonne dans le monde d'aujourd'hui), quel public (communauté - a créer = impossible ?, existante - s'adosser à une communauté déjà vivante, des réseaux, des groupes, des forums, des sites, des médias web, des blogs existants...), quels partenaires (éditoriaux, studio, développement multimédia, informatique etc.)
    - quel financement : argent public, issu d'une volonté politique : TV publique et CNC. Le crowd funding n'est pas vraiment la panacée pour le finacement, mais est un bon moyen pour parler de son projet, pour rencontrer une communauté, permet de sonder l'opinion, de capitaliser en termes d'image.

Les tendances actuelles :
    - le jeu : gamification / le jeu, c'est gagner quelque chose = bon moteur d'intérêt. Mais est-ce un bon moteur narratif ?
    - le mobile (tablettes etc.)
    - la simplicité interactive, de l'architecture narrative.
    - la contribution,




Les mots du vin

"Il a un parfum de fruit, de fruits rouges, cassis, groseille, on sent des pointes d'acacia et d'abricot, ou de cuir et de réglisse, ou de poire confite et de vanille... "

J'ai toujours été surpris du fait que pour parler du vin, on doive aller se référer à d'autres fruits, d'autres odeurs. On ne définit pas le vin ou le cépage par lui-même !

Toujours des odeurs, des parfums qui viennent d'ailleurs. Comme si le vin n'arrivait pas à avoir définit sa propre place dans le monde des senteurs, que chaque cépage n'arrivait pas à se faire identifier pour ce qu'il est, pour son propre parfum...

On peut se dire que c'est parce que le vin est un produit de transformation, en fait on ne boit pas vraiment le jus du raisin. On ne peut pas dire, oh, ce goût de raisin mondeuse ou cabernet-franc ! La fermentation a transformé le jus en quelque chose de nouveau, et d'ailleurs, qui a jamais goûté (à part les vignerons bien sûr - et les vendangeurs :) une grappe de syrah, de cabernet ou de pinot noir ?

Mais une autre explication m'a été donnée par Philippe Grenier (aux Amphores en St Joseph) : c'est qu'on on arrête pas d'en parler, du vin ! Ca fait 2 000 ans que les hommes se passionnent pour le vin, qu'ils en parlent, qu'ils essaient de le définir, de le préciser, de le cerner, de le posséder, de le partager... Et il faut des mots pour cela.
Est-ce que on parle autant des pommes, des poires, du raisin ? On dit, "tiens, cette poire Beurée Hardy est excellente"... On s'en souvient, on retrouvera ce goût un jour, on se rappellera... Mais pour le vin, on en parle souvent, on veut raconter ce qu'on éprouve, quelle goût ça a... et du coup, on va piocher dans la palette des senteurs que l'on connait pour en parler...

Pressoir à la (gallo)-romaine

Vinalia 2013, à Saint-Romain -en-Gal, près de Lyon. Au coeur de la Côte-Rôtie, expérimentation de vendange et de pressage  de raisin à la mode romaine. Tout ça bien sûr au musée Archéologique de St-Romain.

vinalia2013HD from danderen on Vimeo.

Delos, Dédale sous la pluie

Ambiance de ruines, pierres et mosaïques, l'herbe-du-temps, fragile, amère. Promenade.
Musique Antoine et Jean-Lou Cuenne.

Oral/écrit ...des choix de civilisation

intangible-antoinette:Hidden… Il est frappant de constater que la pensée occidentale met au-dessus de tout : la civilisation de l'écrit !

Si l'occident a réussi, s'est imposé dans le monde, ce serait par ce passage précoce des peuples méditerranéens à l'écriture. Le retard de l'Afrique, des Indiens d'Amérique, des peuples d'Océanie, d'Asie centrale, d'Europe du Nord serait dû en grande partie à leur retard à passer à l'écriture, voire même leur rejet complet de cette forme de communication ou de transmission des connaissances.

J'ai toujours eu un peu de mal avec cette idée, principalement avec l'idée de "classer" les civilisations, les philosophies, avec les meilleurs et les mauvais, les premiers et les derniers... Quel juge, quel code, quel énoncé des choses que l'on devrait comparer peuvent être réunis devant l'humanité pour savoir si une pensée est "meilleure", plus riche, plus aboutie, et surtout si elle donne mieux les clés du Savoir, de la Connaissance Vraie du monde ?

Le cheminement de la recherche intérieure dans l'humanité a progressé dans toutes les civilisations, a touché tous les peuples, a envahi la conscience de tous les hommes depuis les débuts de leur histoire.
Le passage à l'écriture n'est qu'un épiphénomène dans cette quête, cela ne change pas la nature même de la quête, et la diversité des réponses que les civilisations y ont apporté.

Toutefois, il doit être intéressant de regarder quels effets, quels impacts l'irruption de l'écrit dans l'expression d'un peuple a pu modifier éventuellement son rapport à la pensée, au spirituel, aux croyances.
La recherche sur le monde grec et gaulois entre particulièrement dans ce questionnement, dans la mesure où les Grecs ont développé l’écriture  et avec quel talent et quel succès !
Tandis que les Gaulois ont rejeté profondément l'écriture, volontairement, alors même que leur philosophie semble avoir été florissante, et d'une certaine manière, assez proche de celle des Grecs !

"Ils (les druides) pensent qu'il est interdit par la religion de confier leur science à l'écriture, bien que, dans presque tout le reste des affaires, dans les comptes publics et privés, ils se servent de l'alphabet grec. Cet usage oral me paraît voulu pour deux raisons. Ils ne veulent pas voir divulguer leur doctrine ni que leurs élèves, se fiant à l'écriture, cultivent moins leur mémoire: ce qui arrive généralement; lorsqu'on se sert de textes écrits, on s'applique moins à apprendre par cœur et on néglige sa mémoire."
Jules César : La guerre des Gaules, VI, 13-14, Traduction de : Germaine Roussel, 1963, Paris, 10/18


Les philosophes grecs, par le fait de figer la connaissance sur un support, l'a-t-elle rendue plus accessible, plus "palpable", plus réelle, démocratique ?
La nature mythique des histoires, des légendes, des récits fondateurs et des traditions, dont l'impact dépend autant du talent du conteur, de sa vision, que du propos lui-même, tout cela est affaibli face l'aveuglante vérité de la chose écrite qui s'impose là, immuable ! Les penseurs, les écoles qui se sont développées à partir de la chose écrite ont rapidement déclaré que l'écrit portait la vérité, et que l'oral relevait de la rumeur, du mythe, voire de la falsification. Il ont donc développé une critique de la pensée établie, ils ont brisé les traditions, les dogmes, ils ont remis en cause les dieux, les héros... Et c'est bien cette tradition critique qui est un des moteurs puissant du développement de la philosophie grecque.

Mais cet écrit a été le contraire de la démocratie ! Cette pourtant fameuse démocratie que les Grecs ont inventé ! L'écrit n'est accessible qu'à l'élite, ceux qui ont l'éducation, cette denrée rare dans les temps anciens, où seuls quelques familles nobles pouvaient envoyer les enfants dans les écoles, ou employer des précepteurs. La connaissance, le savoir consigné dans les écrits ne pouvait exister que dans quelques milieux très privilégiés et très restreints, bien loin de la vie du monde, la vie du peuple, de la communauté entière.

Alors que l'oralité, elle, touche tout le monde ! Elle est exprimée à tout moment, dans tous les lieux, au fin fond de telle campagne reculée, de s montagnes, des déserts, elle est portée par le verbe et la puissance d'évocation du conteur, elle est accessible au plus illettré, au plus pauvre, au plus fou, au plus sauvage des hommes, le conteur a sa place partout, il va dans le monde et transmet la parole, le récit, l'histoire, la légende...




 Le fait que nous n'ayons pas de témoignage direct de la philosophie gauloise implique-t-elle une valeur moindre que la grecque qui s'est inscrite dans des textes ? Bien sûr la philosophie des druides a disparue avec eux, alors que la philosophie grecque nous impressionne encore !
On entend dire : si la pensée gauloise avait été supérieure, elle aurait perduré ; mais le bouleversement de la conquête romaine, par les armes puis par les institutions et la religion, a été tellement puissant que manifestement la philosophie gauloise, quelle qu'elle ait été, n'a guère résisté.  Même si elle avait été porté par des écrits ne veut pas dire qu'elle aurait survécu !
Mais là encore, la question n'est pas de hiérarchiser, de mettre en compétition telle ou telle culture, telle ou telle civilisation. Qui sommes nous pour juger la valeur d'une civilisation ? A quoi ça rime ? A quoi ça sert ?

Qu'est-ce que la valeur intrinsèque d'une civilisation ?
Celle qui donne à manger à ses enfants ?
Celle qui évite de les offrir en esclaves aux autres ? Bien sûr ! Ça  c'est le principe de puissance : être le plus fort pour rester libre ! C'est la base de l'occident, entre autres.
Mais il y a eu d'autres mouvements philosophiques qui ont traversé les peuples, les sociétés, les cultures, et qui offrent à leurs disciples des bases de croyances, de préceptes de vie, qui sont intenses, riches, extrêmement complexes et profonds, qui interrogent la nature humaine et la nature de l'Univers à un degré que nous n'imaginons même pas !

Attente

Septembre... l'attente avant les vendanges..
c'est toujours un moment particulier, j'imagine, pour les vignerons. Il n'y a plus rien à faire à la vigne... ou si peut. Aujourd'hui on fait un effeuillage léger, les feuilles tombent presque toute seules rien qu'en les effleurant...
A la cave, on a nettoyé, lavé, brossé, récuré, testé, arrangé, vérifié.. les pressoirs, les barriques, les cuves et les tables. Tout est prêt.
On tourne en rond.
On attend.
On regarde le ciel, on espère, on retourne voir la vigne, on mesure, on discute avec l'oenologue et le labo.

Décidément, le Vin est vraiment sous le signe du Temps !
Le temps du vigneron, le temps de la vigne, qui s'étire, qui se fait sentir, qui impose sa loi, le temps du cep pour grandir et donner ses fruits, le temps de vieillissement dans le chai, le temps écrit sur les étiquettes des millésimes...

effeuillage en Saint-Joseph rouge - Chavanay - Domaine des Amphores (avec une prise de son en pleine vigne...)

ruines...

le signe d'un Titan,
l'herbe amère,
d'un serpent dérangé qui enserre la gueule des géants,
Dionysos mène ses troupes,
mais poliment s'assoit à la table des Dieux

la terre du volcan (Santorin)

La poussière de la cendre s'élève à chaque pas que l'on fait sur cette terre noire et blanche. Légère, sèche, elle aspire chaque parcelle d'humidité comme un buvard. Elle est blanche comme la poussière des morts. Dessus, ce sont les pierres noires, les pierres sombres comme le malheur qui guette les hommes depuis les origines, ce malheur de la vie trop dure, de la vie ingrate. Et ce vent, toujours ce vent qui rend fou, le meltem  qui débusque jusque dans tous les recoins de la conscience la paix qui voudrait s'installer.
Rencontre au détour d'un chemin à Santorin, dans l'île au volcan englouti, où l'assyrtico fraye son chemin dans l'aridité de la poussière et se recroqueville en nids sous les assauts du vent fou.


volcano vine from danderen on Vimeo.

Madagascar, une vigne sous les tropiques

Plaine d'Ambalavao.        
C'est un lieu fascinant de Madagascar ! On quitte les Hauts Plateaux, les terres Merina ou Betsileo, froides, riches, industrieuses, avec leurs rizières étagées le long des montagnes, on passe le col et c'est la plongée dans la lumière chaude du Sud, les couleurs brûlées des graminées, les eucalyptus,  la cuvette-oasis de la petite ville d'Ambalavao, pimpante, animée, joyeuse, aux belles maisons de briques rouges, le tout cerné par un amphithéâtre de montagnes magiques qui jettent leurs faces lisses de granit jusqu'au ciel limpide.
Les esprits sont bien là chez eux, en haut de ces falaises inaccessibles, polies, brillantes, inhumaines. On voit même leurs grottes, ces petits trous creusés de ci-de là dans la roche-mère.
Ici la sauvagerie du Sud commence, les grands espaces où les Bara, les voleurs de zébus comme on les appelle sans distinction, naviguent libres dans l'océan désert du bush.
Et c'est ici que la (petite) histoire de la vigne à Madagascar a commencé, on est presque sous le Tropique du Capricorne, quelle aventure pour notre liane géorgienne de venir taquiner les ancêtres...

Salomon , Vigneron de Géorgie

On a rendez-vous avec Solomon Tsaishvili.
Il est installé en Géorgie, en Kakhétie, cette plaine orientale où est produit le meilleur de la production viticole géorgienne.
Nous sommes partis de Tbilissi sous la pluie, temps bouché, triste, on crève à Gurjaani, je me retrouve les mains dans la boue pour changer la roue, pas terrible quand on part en tournage et qu'il faut poser ses pattes sales sur la caméra !!!
Bref, pas terrible comme mise en route... Solomon nous accueille, bourru, mais son œil pétillant laisse présager quelque surprise... C'est l'automne, les arbres dégouttent de la pluie et leurs feuilles jaunes s'apprêtent à l'hiver. La maison est pleine de ce charme des maisons géorgiennes, même si le temps froid et humide n'aide pas : on s'installe dans la véranda fermée, toute en bois, sur un vieux canapé défoncé et une table vieillotte  C'est là qu'on dégustera les vins de Solomon tout à l'heure (Khatsiteli, Mtsvane - pour les blancs, Saperavi pour les rouges).
Mais c'est l'heure de la visite du chai, du "marani" !



Solomon vinifie selon
" la Méthode Kakhétienne " (prononcer karétienne)
c'est-à-dire qu'il met la récolte avec les rafles dans les kvevris enterrés. La fermentation faite, le solide descend au fond de la jarre, forme un dépôt solide, tandis que les pépins seuls flottent encore, et le jus devient très clair, il n'y a presque pas besoin de filtration. Ensuite il transvase le vin dans des kvevris de garde, dans le 2ème marani où le vin est élevé un ou deux ans.

Solomon est adepte de la biodynamie et de l'agriculture biologique, il cherche sa voie entre tradition géorgienne et nouveaux savoirs œnologiques  C'est très intéressant, et son vin est très intéressant aussi.  La dégustation du Saperavi était vraiment originale, avec la puissance incroyable du Saperavi, et une intensité d'arômes, presque sauvages qui promettait un vieillissement complexe et harmonieux.

Ensuite nous sommes allés dans les vignes, alors qu'au loin les montagnes du Dagestan enneigées offraient un sentiment un peu à l'égal du vin de Solomon, fait d'une longue histoire, enraciné dans les millénaires de civilisation et d'humanité, fait d'espace et en même temps d'amour de son jardin, de son petit bout de terre sur la Route de la Soie, la Route du Monde.

Solomon (Soliko) Tsaishvili, "Our Wine", Gurjaani Kakheti

merci à Nino Kveselava, Ina et Caty pour cette belle journée.

(mise à jour)

Addition de la vidéo de l'interview de Nana Rusishvili (paléobotaniste)
au post Petit cours d'archéo-botanique

Racines-story


Note Filmique #4

Une des questions qui se pose dans le documentaire d'histoire, c'est la reconstitution historique !
Parce que c'est bien sûr un des buts, disons un des attraits de l'histoire, c'est la capacité d'évocation du passé, plonger, s'immerger dans le passé, bref, dans un univers... de fiction ! 
Donc comment ne pas envisager ça dans ce docu !!
Le problème est que la fiction est difficile à mélanger avec de la non -fiction. Soit on est plongé dans un univers fictif, on y est bien, on vit avec les personnages, on s'identifie, et alors on n'a pas envie d'en sortir à tout bout de champ, interrompu par des interviews sérieux et tout. 
Soit c'est juste de l'illustration plaquée là d'une façon artificielle et ça n'a guère d'intérêt !
L'intérêt de la fiction est de faire vivre des gens dans des situations d'époque. Perso, c'est nettement les gens communs qui m'intéressent, ceux qui composent l'essentiel de la société, pas les rois ni les papes ; donc, on fait revivre une scène dans l'histoire, avec des gens qui vivent un instant particulier de leur histoire, un moment qui nous sert d'exemple pour raconter la relation au vin des sociétés à chaque époque. 
On découvre des personnages, on s'identifie, on comprend leur psychologie, leurs relations etc.
Comment basculer, alors qu'on est bien chez ces gens là, qu'on a du plaisir à être plongés dans l'histoire, comment les quitter pour se plonger dans une analyse scientifiques, une explication, une démonstration ??? 

On immerge le présent dans le passé, on rend ludique le sérieux, et on fictionnalise la fiction (!!!), c'est-à-dire on prend du recul, on intègre un élément réel dedans, notre scène de fiction devient une scène, un théâtre, un plateau de reconstitution historique, et le scientifique y entre un peu intermédiaire entre fiction et réalité.
Après, il faut voir aussi que ça peu vite devenir ringard, l'archéologue qui se balade au milieu d'une scène de fiction. Il faut voir à décaler les deux scènes, fiction historique et scientifique intervenant dans la fiction historique !
Figer la scène de fiction en image de synthèse est évidemment une vraie bonne solution, seulement les moyens de production deviennent beaucoup plus lourds !!



Condrieu, veilleur du Rhône

Comme en Côte-Rotie, la vigne est prête, les bourgeons sont sur le point de s'ouvrir, le fleuve gronde encore des pluies de la fin de l'hiver.

Côte-Rotie, début de saison

Avril 2013, la Côte sort d'un coup de l'hiver, la saison démarre, la sève arrive.

Le vin sous la neige

Géorgie, Imereti

du vin sous la neige from danderen on Vimeo.


Février ; la neige est tombée toute la journée, intense, lourde, bientôt 20 cm ajoutés à ceux de l'hiver. Andro veut remplir les cruches et les bouteilles en plastique du vin de sa production. C'est dans le jardin que ça se passe ; les kvevri, les jarres sont enterrées là, celles que l'on avait rempli de jus du raisin vendangé cet automne, foulé dans le vieux "marani".
Sous la neige, protégé du froid dans le sol, sous de vieilles bâches et un bouchon de glaise, le vin a fermenté, il attend, calmé, qu'on le cueille dans le pot au bout du bâton.
Ce soir on va chanter, on va déclamer, raconter des histoires autour de la table géorgienne, couverte de plats divers, et on va boire pendant quelques heures...

C'est aujourd'hui, mais c'est aussi hier, depuis la nuit des temps que l'on met le vin à fermenter dans des poteries enterrées. Les Grecs, les Romains le faisaient dans les dolia. Et certainement dès le néolithique, dès que la poterie a été inventée, on a voulu protéger le vin des ardeurs du soleil et de la chaleur dans ces régions semi-désertiques, on a certainement dû enterrer les jarres très tôt ! Bien sûr les techniques ont évolué, mais ici, en Géorgie, on a soudain la sensation d'être en relation directe avec toutes les époques, de relier l'Histoire à nous, de vivre en connection avec des générations d'hommes et de femmes qui ont cultivé leur vigne, siècle après siècle, alors que le tumulte du monde déferlait autour de leurs terres.

Telavi Market/Telavi Bazar !

Carte Postale du marché de Telavi, capitale de la Kakhétie en Géorgie. Région principale pour la production du vin, mais pas que..

telavi market from danderen on Vimeo.

Accompagné avec compétence, gentillesse et un français parfait par Khatuna http://www.georgian-caucasus-tours.com

Guerre, ou Paix, (et Vin ?)

décidément, cette recherche sur les Gaulois et le Vin amène encore à cette réflexion :
Dans notre imaginaire, est-ce qu'on associe plutôt le vin à l'amour ou à la guerre ?
Et dans les faits, dans la réalité historique ?

Alors, spontanément, si on pense Vin et Histoire, on pense à quoi ?

Des banquets, des tavernes mal-famées, des fêtes villageoises. C'est le vin gai, populaire, paysan. Ca nous fait penser à Brueghel, avec ses tablées réjouies, mais il y a toujours une sorte de menace. Ca fait penser aux films d'époque, en costumes, dans une cour de ferme ou de chateau, avec de la paille par terre pour masquer le macadam. Ca sent la reconstitution, les figurants, les costumes, ça s'agite, il y a les figures imposées, les gros buveurs grandes gueules qui interpellent "hé, aubergiste !", les serveuses qui circulent au milieu des hommes et des mains aventureuses. Bref, c'est paillard, gueulard, sympatique, vraiment très cliché !

Il y a aussi la figure de l'homme rustre, brute, fort, qui lève la cruche entière à sa bouche, le vin ruisselle dans sa barbe et sur les vêtements, il est filmé en contre-plongée, c'est le héros, le guerrier, le chef, et le vin pur qu'il boit à la source scelle sa puissance.
On pense aussi aux soldats, aux armées, qui s’enivrent avant, ou après la bataille, qui exorcisent la peur et la malédiction du sang versé par l'alcool et l'ivresse.

C'est l'image des Gaulois vus par les Romains, ces hordes barbares qui s’enivrent de vin pur et qui surgissent soudain en hurlant, possédés, des forêts sombres, profondes, brumeuses, de cette Europe du Nord inconnue pour déferler vers le sud, vers la civilisation en emportant tout !

On aime (en France) à se représenter ainsi, Barbare aimant le vin, libre et rebelle, ivre et paillard, un vrai homme qui aime la guerre et l'amour ! Tiens, voila qu'on arrive à réunir les deux termes dans un seul : guerre et amour ??? Quelle étrange antinomie !


Et dans les faits, d'après les travaux des historiens, qu'est-ce qu'on découvre ??

D'abord, le vin n'est pas du tout la boisson des Gaulois, qui préfèrent la bière ou l'hydromel. Ensuite, si cette boisson est bien adoptée, c'est uniquement par quelques nobles, aristocrates, qui y voient au contraire un signe de raffinement, d'élitisme, et une sorte de déférence vis-à-vis de cette culture exotique hellène. Le fait de boire du vin est un acte social de pouvoir, et non pas un engouement qui aurait saisi l'ensemble de la société.
On touche là la contradiction permanente dans le vin, ce qui en fait bien sûr son charme et son attrait principal, cette dichotomie entre bien et mal, entre bénéfique et mauvais, entre joie, fête, plaisir, et violence, abus physique et moral, dépression.

Est-ce que le Vin provoque la Guerre, ou est-ce qu'il amène la Paix ? Est-il cause de malheurs, de ruine, de déchéance, exacerbe-t-il cet Univers du Chaos ou au contraire, permet-il l'échange, le contact, la tolérance par la compréhension améliorée de l'Autre, par l'écoute, l'empathie !!





sources
Calendrier Hotsquat - http://www.boumbang.com/calendrier-hotsquat/
Dionysus par briellesg  http://www.youtube.com/watch?feature=player_embedded&v=z98m4w5IU_U

Vol de cigognes

En voyage à Arles pour voir le musée gallo-romain, et écouter une conférence sur la femme antique (conférence bien féministe, mais avec humour, de Pierrette Nouet),
un petit détour par la Camargue et soudain, dans le ciel, des piaillements qui emplissent l'air...


Le printemps approche :)    (filmé le 8/03, depuis on a eu une méchante vague de froid :(

Note filmique # 3

Il peut y avoir deux façons d'aborder un documentaire historique.
Soit faire une facture classique, on se cale sur une époque, un territoire, un enjeu, et on dévide l'enchaînement chronologique des faits, des causes et des conséquences, on va sur le terrain, de fouilles en fouilles, de musée en labo, on rencontre les gens concernés, les spécialistes et on se fait sa petite idée; on peut bien sûr avec un peu d'argent en plus aller reconstituer des scènes historiques pour avoir un peu d'émotion...
Soit autre chose, une approche différente, plus personnelle. Faire un film comme une aventure,partir à la recherche d'un objet indéfini, disparu mais quand même présent, dont on a entendu parler, mais que personne n'a jamais vu...
Est-ce la quête d'une émotion subtile qui nous vient quand on s'enfonce dans le dédale d'une ruine antique ?
Est-ce la magie d'un mot évocateur qui nous entraîne dans la rêverie... druide... Caucase... cépages... moine blanc... Dionysos & bacchanales...

Cela veut dire emprunter les chemins du merveilleux, de l'imaginaire qui va faire surgir les images, qui vont s'associer avec des idées, qui feront elles-mêmes surgir des visions...
Et ça n'empêche pas que ces chemins très intimes, très personnels, puissent déboucher sur des gens compétents, dignes de foi, pas du tout des illuminés, mais bien des scientifiques sérieux qui savent beaucoup de choses et nous projettent vers de nouvelles images, de nouvelles idées, de nouvelles visions.

Repérage sur le Rhône

Repérage pour une séquence fiction : les vins produits par la colonie grecque de Massilia remontent le Rhône  pour toucher leurs clients gaulois.
Le but est donc de trouver une section du fleuve, assez encaissée (pour avoir la sensation des coteaux où habitent les tribus gauloises qui guettent la remontée des barques), sauvage (pas d'aménagement, juste les arbres, les broussailles), accessible, assez large pour donner une véritable sensation de fleuve, sans trop d'éléments anachroniques (pylônes, fils électriques, routes, voies ferrées, maisons etc.

Le problème pour un tournage historique du Rhône, c'est son aménagement moderne, dans les années 70, pour le canaliser et le rendre sûr à la navigation (justement !). Mais ce ne sont plus les barcasses d'il y a 2 000 ans, mais les chalands gigantesques (100 mètres de long ?) qui font Fos/Lyon en 1 jour.
Donc ce sont 200 km de voie canalisée, aux berges bien dégagées, nettoyées, engazonnées, bien loin des rives arborées et irrégulières qui sévissaient à l'origine. Le meilleur exemple de fleuve sauvage reste évidemment la Loire. Mais le problème, c'est l'absence des coteaux très escarpés qui dominent d'une manière caractéristique le Rhône.
Heureusement l'aménagement s'est fait pour partie en laissant des zones vierges qui suivent l'ancien lit du Rhône, le canal navigable étant de l'autre côté de la vallée alluviale, quand elle est assez large pour le permettre. Donc la recherche doit se porter dans ces zones gardées plus ou moins intactes.


Remontée du Rhône par les marchands grecs (IVème s. av. JC)


Guerre et Paix

( bon, le titre de ce post n'est pas très original... certes ! )
mais c'est une réflexion qui me trotte dans la tête depuis un moment déjà.

D'une manière ou d'une autre, ce sont les guerres qui laissent des traces, qui laissent des bagages aux archéologues ou aux historiens. Ce sont les guerres, qui, bien qu'elles détruisent, qu'elles laissent des ruines, en plus de tuer des hommes, les guerres laissent leur marques dans l'imaginaire collectif, elles se perpétuent longtemps après dans les histoires, les mythes, les légendes.
Le traumatisme violent que subit un peuple, une population au passage des armées, des pillages, des violences physiques et culturelles, doit s'exorciser par la mise en scène de héros, de protections divines, de chefs et de faits d'armes ou de bravoure collectifs ou individuels.
Et cela s'inscrit fortement dans la trace, l'empreinte que pourra laisser un peuple dans le cours du temps et de l'espace, dans l'histoire.

Notre culture, notre éducation, notre pensée historique incline fortement vers cette vision, nous ne faisons pas beaucoup d'efforts pour essayer d'imaginer autre chose que ces récits guerriers, pour voir l'histoire des hommes comme autre chose qu'une succession de batailles, d'invasions, de massacres et d'art militaire !

Et pas que la guerre d'ailleurs ; mais aussi le pouvoir, les grands chefs, les sociétés de plus en plus hiérarchisées, toute cette panoplie de sociétés tyranniques, ultra-inégalitaires, esclavagistes, écrasantes, toutes ces sociétés sont celles qui fascinent les historiens, et les gens en général...
Dans un autre livre d'histoire, récent, on parlait des siècles obscurs, cette période de la fin de l'Age de Bronze, où on ne trouve plus de grandes cités, d'Etats, de guerres intéressantes, où il n'y a plus d'ors et de monuments grandioses, où l'historien se retrouve tout nu, sans palais fantastiques à chercher, comme Troie ou Cnossos, sans alphabet mystérieux à déchiffrer, sans trésor à déterrer...
Est-ce que cela veut dire que le monde s'est arrêté ? Est-ce que cela veut dire que les gens n'existaient plus ? que les villages étaient abandonnés ? Que la vie s'est arrêtée pendant un demi -siècle ?? L'auteur tournait le dos résolument à cette époque, qui visiblement ne l'intéressait pas, au point d'en dire (bon, je cite de mémoire, je n'ai pas le bouquin, je n'ai même plus les références, il faut absolument que je retrouve ça !) :
"ces pauvres gens, ces peuples sans but, sans destin, qui ont disparu dans le vide de l'oubli, qui n'ont rien laissé dans la gloire de la civilisation et de la grandeur humaine, ces sociétés que l'on pourrait croire retournées à la préhistoire, à l'animalité, d'où ne reste aucun dieu, aucun roi glorieux, aucune pyramide, aucun art, aucun écrit, aucune trace de leur grandeur, de leur ingéniosité, de leur humanité !!! "

Wow ! quelle condamnation sans appel !! Qu'est-ce qui permet d'affirmer cela ?
Pourquoi a-t-on à ce point besoin de l'écriture pour croire que l'on est humain ? Les milliers et les milliers d'années de tradition orale, l'incroyable transmission des récits, des visions, des croyances, des savoirs, qui depuis la nuit des temps accompagne l'humanité sont-ils à rayer d'un coup de plume supérieur ?

En quoi les sociétés hyper-autoritaires, hiérarchisées, dominées par quelques castes guerrières, religieuses ou marchandes sont-elles à ce point la référence de ce qu'est une civilisation, un peuple civilisé ?

Bien sûr, ces sociétés coercitives peuvent lever de la main d'oeuvre humaine en grande quantité, la faire travailler et la faire mourir, et avec cela construire ces merveilles que sont les pyramides, les amphithéâtres, les ziggourats, que sais-je encore, toutes ces ruines fascinantes qui nous restent pour nous évoquer ces périodes !
Bien sûr que ces sociétés ont dégagé un surplus de richesse de leur organisation, de leur structuration, que cela s'est traduit par des scientifiques, des écrivains, des artistes, des techniques nouvelles, des inventions, une vraie stimulation intellectuelle qui a poussé les hommes vers l'avant.

Mais arrêtons de croire que l'humanité ne doit, et ne peux ressembler qu'à ces structures sociales violentes, injustes, arbitraires, inégalitaires, guerrières !

Pourquoi oublier l'immense majorité des gens qui vivent là, à ces époques, dans toutes les parties du monde, qui habitent dans de petits villages, ou dans de petites cités pourquoi pas, qui sont la réalité absolue de l'espèce humaine, ils en sont le corps, la matière première, tous ces paysans qui, jours après jours, pendant un mois, un an, cent ans, mille ans, une dizaine de milliers d'années, tous, vivent, naissent  s'amusent enfants, souffrent, meurent, survivent, aiment, jouissent, chantent, tremblent devant la tempête et l'orage, subissent la sécheresse, partent sur un chemin vers un ailleurs, observent la nature, imitent ses techniques, inventent des outils, sculptent pour leur plaisir, ou par inspiration, rêvent de dieux, de créatures, de puissances, racontent des histoires, perçoivent les forces du monde...

Ce sont ces hommes là qui sont le terreau de toutes ces merveilles que quelques dictateurs ont un jour voulu bâtir à leur seule gloire et leur seul orgueil !

petit historique des origines du vignoble français (Gaule)

  • la vigne sauvage poussait en Gaule, mais pas de preuves d'utilisation particulière, et de toutes façons pas de vin.
  • Boisson fermentée traditionnelle en Gaule : bière (cervoise) et hydromel
  • qui vivait en Gaule ? peuplades celtes origine germanique, sur un fond plus ancien inconnu (sauf dans le sud, peuple Ligure.)
  • les Grecs débarquent à Marseille, fondent un petit comptoir, et commercent avec les Ligures, puis avec les Gaulois du littoral languedocien.
  • Puis ils remontent la vallée du Rhône (eux ou des commercants gaulois) et approchent les peuples gaulois des régions alpines, lyonnaises, bourguignonnes. Le commerce entre vin d'un côté et métaux de l'autre est florissant. Mais le vin est juste destiné aux très riches dignitaires gaulois (rois, nobles) et reste instrument de reconnaissance, de pouvoir.
  • Puis le clergé et quelques chefs gaulois réagissent contre cette boisson : pendant 2 siècles, disparition totale de toute trace de vin, d'amphores. Certainement réaction politique et religieuse pour défendre la culture gauloise, et rejeter la boisson de l'étranger qui corrompt la société.
  • Les Gaulois envahissent le sud, puis l'Italie, la Grèce, jusque à la Turquie. Mélange et découverte d'autres cultures, et du vin. Terreur des populations romaines, et mythe du Gaulois ivre de vin.
  • Ier s. av. JC : les Gaulois adoptent de nouveau le vin, mais toujours d'une façon élitiste. Les chefs organisent des grands banquets « électoraux ». Les druides aussi commencent à intégrer le vin dans leur culte.
  • Puis les Romains envahissent et conquièrent la Gaule. La colonisation se met rapidement en place par l'arrivée et l'installation des vétérans à qui on offre des terres, et qu'ils mettent en culture avec la vigne. C'est le vrai départ de la viticulture en Gaule.
  • Les domaines fleurissent au 1er siècle dans toute la Gaule, Languedoc-Provence, Vallée du Rhône, Aquitaine-Bordeaux, Bourgogne (assez tard), Moselle ? La Gaule devient rapidement grosse productrice de vin, exporte vers Rome, vers l'Angleterre (déjà !). Les cépages se diversifient, avec la plantation dans de nouveaux climats plus froids que traditionnellement.


Diversité des cépages géorgiens



Rencontre avec Giorgi Samanishvili, oenologue géorgien qui (entre autre) travaille pour le  "National Centre for Grapevine and Fruit Tree Planting Material Propagation". Il s'agit d'un conservatoire des cépages géorgiens créé depuis l'effondrement et le départ des soviétiques pour retrouver et préserver la diversité ampélologique de ce pays berceau de la viticulture (voir post
 Balade sur le site avec un guide éclairé, et dans un français... remarquable !



Caucase, lieu de création...

Je me souviens d'un livre sur les arbres, une flore qu'on avait quand j'étais enfant, où l'on décrit les arbres de nos régions d'Europe. Dans un coin, au bas de la description, il y a l'origine connue ou supposée des espèces. Et, je ne sais pas, mais j'avais l'impression qu'à chaque fois que je regardais l'origine de nos arbres, tous, ceux des parcs, des forêts ou des vergers, les ormes, les charmes, les platanes, les pommiers, les poiriers, les abricotiers que sais-je, sans parler des arbustes, des arbrisseaux, des taillis, des haies... bref, à chaque fois...  origine : Caucase, Asie Centrale ou Orientale. Mais vraiment ; Caucase revenait me semblait-il systématiquement.
Depuis j'ai repris les flores, finalement non, tout ne vient pas de là-bas.
Mais tout de même, cette région, cette profusion, cette diversité géographique, des reliefs, des climats, des micro-climats, l'influence chaude et humide de la mer Noire, l'influence froide et humide de la Caspienne, les vents glacés qui descendent des crêtes qui dépassent 5 000 mètres, le courant d'air chaud coincé entre le Petit et le Grand Caucase, le souffle brûlant des déserts d'Iran et de Syrie qui remonte et se glisse vers l’Azerbaïdjan .. Oui, le Caucase a tout pour réveiller la nature, la vie, la folie biologique, toutes les espèces peuvent se donner rendez-vous ici et convoler, expérimenter, inventer, avant de conquérir le monde...
Et les homme aussi !!!
Caucase, la montagne des langues, où la moindre vallée abritait un peuple différent, une langue autre, Babel n'est rien à côté de la montagne magique...


Quand le vin arrive en Gaule


"Aimant jusqu'à l'excès le vin que les marchands leur apportent sans mélange, ils en boivent si avidement que, devenus ivres, ils tombent dans un profond sommeil ou dans des transports furieux. Aussi beaucoup de marchands italiens, poussés par leur cupidité habituelle, ne manquent-ils pas de tirer profit de l'amour des Gaulois pour le vin. Ils leur en apportent soit dans des bateaux sur les rivières navigables, soit sur des chars qu'ils conduisent à travers le pays plat; en échange d'un tonneau de vin, ils reçoivent un jeune esclave, troquant ainsi leur boisson contre un échanson"
Diodore de Sicile (V,26) Bibliothèque Historique, Ier siècle av. JC.

Ma nuit au néolithique # 3


On vit ici, et nous avons un secret, un don des esprits dont nous prenons soin, une tradition dont les anciens parlent avec respect, avec crainte aussi car personne du village ne peut expliquer quel sortilège, quelle force mystérieuse agit sur notre potion magique ! Chez nous, on prépare le vin, un de nos ancêtres a un jour découvert, inventé comment conserver le jus des raisins au lieu de les manger tout de suite, il les a mis dans un creux de rocher, ou dans une calebasse, ces récipients pratiques qui nous servent à tout, et les esprits sont venus et ont transformé le jus en vin, la boisson des esprits qui emporte l'âme des humains dans des mondes interdits...


Et c'est un grand évènement d'avoir inventé le vin, parce que ça, les animaux ne savent pas le faire, ils ne connaissent pas la gomme du térébinthe qui pousse dans les collines et qui conserve le jus fermenté pendant la saison chaude, ils ne connaissent pas les poteries de terre que maintenant on enterre dans le sol, bien bouchées d'argile, pour que le vin reste à l'abri des rayons du soleil et des chaleurs trop fortes...

Oui, le vin est bien une invention des hommes, un signe de notre créativité, de notre intelligence, de notre esprit curieux, un goût du jeu, du risque, du plaisir et d'une aspiration à l'éternel. 

Fondation de l'abbaye de Cîteaux # 1



Quand on se penche sur les circonstances de la fondation de Cîteaux, et de l'ordre cistercien, il y a un fait qui étonne toujours, qui laisse un peu songeur... Il s'agit de la frénésie de création de nouveaux sites monastiques à cette époque, ainsi que de la quantité de petits groupes de moines, ou de religieux de tous poils qui essaimaient un peu partout. Disons en tous cas sur le territoire bourguignon par exemple.

C'est en lisant l'itinéraire de Robert de Molesmes, fondateur de Cîteaux que l'on découvre cette réalité.
Il naît près de Troyes (1029). A 15 ans, il rentre dans les ordres. Il y devient prieur (1053, il a 34 ans). En 1069, à 40 ans, il est appelé près de Tonnerre (Yonne, à 100 km de Troyes) pour diriger quelques moines. Ça ne se passe pas trop bien, la règle n'est pas assez strictement observée, il revient à Troyes. En 1072 (43 ans) il part à Provins. Puis il rejoint un groupe d'ermites dans la forêt de Colan (1074). Il les emmène à Molesme (Côte d'Or, juste en limite de l'Yonne) (1075)(46 ans) où il fonde une nouvelle abbaye. C'est un véritable succès, les donations abondent, le monastère devient très riche et s'étend sur la région : 35 prieurés en dépendent en 1098, 23 ans plus tard !
Mais ce développement rapide ne convient pas à Robert, la richesse surtout qui corrompt l'esprit presque ermitique dont il rêvait. Il part plusieurs fois à Aux en Savoie (entre 1090 et 1093)(60 ans). Puis il revient diriger Molesme. Finalement, le pape l'autorise avec quelques autres à partir fonder un nouveau site pour être plus près de la Règle de Saint Benoît.
Il partent et s'installent dans la vallée de la Saône au sud de Dijon en 1098 (70 ans) dans un lieu de "cistels" (roseaux). Cîteaux est né.
Les débuts sont difficiles, mais les soutiens politiques et financiers sont fermes, et la nouvelle abbaye survit. Encore une fois, ceux de Molesme le rappelle et Robert y retourne et meurt en 1111 (83 ans).

Le fait remarquable est cette persévérance dans la recherche d'un établissement monastique qui réponde profondément à l'élan mystique du nouveau millénaire. Cluny avait inventé un idéal monastique, avait ouvert la perspective d'une véritable installation de la recherche mystique, mais le succès et le temps l'avait réduite à pas grand-chose, du moins son idéal s'était raccorni. Alors partout des vocations, des êtres inspirés sont repartis en quête d'une vie plus pure, plus parfaite, et d'une structure pouvant l'abriter.
Les "puissants" soutenaient ces êtres sincères et convaincus qui pouvaient leur assurer une certaine clémence divine, et du coup, les expériences se sont multipliées à l'époque. On est à l'orée de l'ère féodale, et le territoire s'est stabilisé dans son partage entre rois, ducs, seigneurs etc. L'église pousse aussi par tous les moyens à l'acquisition foncière et l'apparente innocence des moines et des monastères arrange certainement les deux pouvoirs, seigneurial et ecclésiastique.

Du coup, Robert, personnage certainement inspiré par une véritable vision mystique se débat-il toute sa vie pour trouver sa voie, son site, soit qu'il existe déjà, soit qu'il faille le créer de toutes pièces, et recommencer encore si ce n'est toujours pas la bonne formule !


sources :
http://www.encyclopedie-universelle.com/abbaye-cisterciens.html
http://users.skynet.be/am012324/exordium/fra/2.pdf
http://www.bm-dijon.fr/opacwebaloes/index.aspx?idpage=165

Rayures



Venise, ville bâtie dans l'eau, sur l'eau, sous l'eau... et pourtant c'est le vin qui a permis ces palais, ces reflets.

Cimetière de kvevri

dans une ancienne "usine à vin" de l'époque soviétique en Kakhétie, on aperçoit le dos rond reconnaissable des kvevri, les immenses jarres traditionnelles de Géorgie... et qui remontent à l'Antiquité, les Grecs utilisaient cela aussi. On les enterre dans le sol et la température est régulée.
On s'arrête,... tournage.
Et rencontre avec David Chichua, spécialiste. Je mettrai l'interview en ligne bientôt.
En attendant, ballade dans un monde étrange de cruches géantes, le cellier de divinités bacchanales, la démesure et l'étrangeté de ces poteries abandonnées.


(musique Georgika - Xvaramze)
Association Kvevri :  http://www.kvevri.org/fr/index.html

galère et réconfort (retour de tournage)

Retour de tournage en Imereti - Géorgie.
Il a neigé le matin, bon, on y va quand même, il faut rentrer à Tbilissi. 3/4 heures de route normalement.
On décide de passer par la montagne, un col pas trop haut, ça devrait passer.
Et le col, ça passe. On se dit que c'est bon, on s'engage dans la longue vallée qui longe l'Ossétie... on est à 5 kilomètres seulement de la frontière où les Russes ont fait la guerre il y a 4 ans... (et sont toujours là, avec les chars). Il n'y a pas un village, rien, 30 km de désert glacé... et les emmerdes commencent !!!


Finalement, après 3 heures d'efforts, 5 poses de chaînes, les doigts gelés, l'angoisse de se trouver bloqués là, au milieu de nulle part, on passe enfin !!!
Et voilà le genre d'endroit merveilleux que l'on trouve après, sur cette petite route perdue. Ça vaut bien toutes les galères ! Le meilleur khadjapuri de Géorgie, je vous le dis :)




Petit cours d'archéo-botanique avec Nana

Rencontre au Musée National, dans la salle aux trésors ; on restaure le Musée pour une inauguration prochaine, et les chercheurs ont entassés leurs collections dans d'immenses salles en attendant, sous les plastiques. C'est mystérieux, émouvant, presque érotique : qu'est-ce que ces voiles blancs nous cachent, nous réservent, quelles merveilles, quelles surprises ?
(voir post Musée Secret)
On est là pour parler du vin des origines, mais Nana Rusishvili, ne l'entend pas de cette oreille, elle veut aussi parler du blé, qui est l'objet véritable de sa recherche :
le passage du blé sauvage au blé domestiqué, au néolithique.
Décidemment, cela peut bien se rapprocher de notre recherche sur la vigne des origines (voir (voir post A l'origine des origines)
Nous faisons l'interview :

Nana Rusishvili:
"Ce n'est pas prouvé, mais on peut penser que la vigne cultivée Vitis vinifera vient de la vigne sauvage Vitis sylvestris. Cela s'est passé sur le continent d'Eurasie où se trouve la vigne sauvage, dans les forêts. La Géorgie fait partie de cette région, et les preuves les plus tangibles qu'on ait depuis la période du néolithique dans les habitations, ce sont les fouilles de Arukhlo et Khamis Didi Gora qui appartiennent à la culture Shulaveri-Shomu Tepe. C'est grace aux pépins, d'après les études morphologiques, que l'on peut savoir si ils sont cultivés ou sauvages. Et justement on a prouvé que les pépins enterrés dans les habitations de la période néolithique appartiennent à la vigne cultivée, Vitis Vinifera.
Comment fait-on l'identification de ces pépins ? C'est par la forme et par les gênes. Et dans les fouilles, les pépins répondent à tous les critères de la vigne cultivée.

Ce n'est pas un hasard si la vigne est déjà cultivée, vu les outils que l'on a trouvé, qui nous montrent que l'agricultiure était déjà bien développée. Si la vigne était déjà domestiquée, c'est le résultat de ce développement avancé dans cette culture du néolithique.


Une des preuve de cette agriculture développée sur ce territoire, on la trouve sur les traces de blé sur une brique des maisons. (Elle nous montre une empreinte de végétal, on reconnait bien la forme du blé dans un fragment d'argile) Ca, c'est le blé "mou", ou blé tendre ! Et ce blé "mou" correspond à un stade d'évolution assez avancé ; on peut dire qu'au 6ème millénaire, le blé "mou" existait déjà. D'ailleurs, le blé avec lequel on se nourrit aujourd'hui, c'est ce blé "mou". En nettoyant les briques qui formaient les maisons dans les fouilles archéologiques, on a trouvé des traces de grains de ce blé.
Le blé sauvage est dur à travailler, c'est difficile d'extraire le grain de l'épi. Mais le blé sauvage arrive à se reproduire seul en tombant sur le sol quand il est mûr. Quand les gens ont commencé la domestication, ils ont fait la sélection instinctivement, ils ont choisi les espèces les plus faciles à travailler; et de plus en plus avec le temps, on a obtenu, non seulement du blé plus facile à travailler, mais on voit par exemple à Arakhlo apparaître le blé à 42 chromosomes (qui est la mutation génétique caractéristique du blé moderne, le blé tendre, alors que les formes plus primitives sont à 24 chromosomes), le blé "libre" avec les grains nus (donc plus faciles à extraire).

On dit que le Caucase, c'est la montagne des langues, mais on pourrait dire la même chose à propos du climat ; ici on trouve le climat de presque tout le monde entier. On a la mer, la montagne, le désert, le climat sub-tropical, et justement c'est cette diversité climatique a causé la diversification biologique. Par exemple pour le blé (ah ah, nous y revenons !) dans le monde entier on trouve 28 sortes de blé dont 21 sont originaires de Géorgie ! Dont 5 endémiques, qu'on ne peut pas trouver ailleurs ! Il y a 500 cépages de vigne en Géorgie et justement, cette diversification est causée par la diversité climatique qu'on trouve sur un aussi petit territoire.


Je peux parler aussi de la culture Koura-Araxe (du nom des 2 grands fleuves trans-caucasiens qui se jettent dans la Caspienne) qui suit la période néolithique. Les pépins de raisin que l'on a trouvé sont de plus en plus gros, ce sont des pépins des raisins de table.

(Puis elle cherche quelque chose, et elle nous montre des pépins dans une petite boîte) Ces pépins, trouvés à Kadashvili Gora, sont plus petits que ceux des raisins de table. Ce sont les premiers pépins trouvés dans le monde entier !! Ca veut dire qu'ils ont 3 000 ans de plus que tous les autres trouvés ailleurs ! Ils datent du 6ème millénaire avant notre ère. Les premiers après ceux là, on les a trouvés en Jordanie, et là-bas, les chercheurs pensent que c'est une forme intermédiaire entre cultivé et sauvage, et on les date du 3ème millénaire. Alors que ceux-là sont des pépins du 6ème millénaire, et ce sont de la vigne domestique !!

On trouve toujours le blé dans l'histoire, on trouve toujours la vigne, on peut dire que ce sont 2 cultures liées, comme on a toujours le pain de la vie, on a toujours la vigne et les pépins (!)."


Le tournage continue, puis on va boire un... café dans une autre pièce. On parle vin, comme toujours, chacun a ses histoires, ses connaissances, ses expériences. Nana parle de certains cépages très locaux, très anciens. Décidémment, le vin, toujours, touche les Géorgiens de tellement près !

voir "Distribution Dika Wheat in Georgia"  N. Rusishvili, T. Jinjaikhadze, I. Maisaia  Tbilisi 2010

A l'origine de l'origine !

Une des questions que l'on se pose quand on parle des origines du vin, c'est celle de l'origine de la vigne cultivée, Vitis vinifera (la vigne que l'on va vinifier !)
C'est le nom de la sous-espèce, c'est une mutation de l'espèce sauvage Vitis sylvestris (la vigne qui pousse dans la forêt), l'aire de répartition étant l'Europe et l'Asie Centrale.
La question que se posent les ampélologues (quel nom !) est de trouver le lieu et le moment où la vigne sauvage (sylvestris) est devenue cultivée (vinifera). Et ils pensent que l'on découvrira en conséquence le lieu et l'époque où l'homme a découvert les secrets de la fabrication du vin.
Il y a des programmes de recherche en cours sur le sujet, avec une traque génétique passionnante de la vigne, entre les espèces sauvages asiatiques, européennes, et les cépages cultivés actuels. Pour l'instant, les résultats (José Vouillamoz1) plaident pour une mutation des souches anatoliennes et transcaucasiennes vers Vitis vinifera. Ce qui confirme donc toute cette région sud-caucasienne comme étant certainement le foyer primitif de l'invention du vin.
Mais évidemment ce que l'on peut imaginer aussi, c'est que tout n'est pas aussi tranché que ça, que l'homme a certainement consommé du raisin sauvage depuis extrêmement longtemps, probablement depuis qu'il a quitté l'Afrique et est arrivé en Eurasie ; pourquoi en serait-il autrement ?
 L'homme, chasseur-cueilleur par nature, a toujours cherché dans son habitat les sources de nourritures possibles, et le raisin est un fruit évident, dégusté par les oiseaux ou les petits grimpeurs, car le problème est là : la vigne est une liane et grimpe aux arbres. Les raisins ne sont pas comme aujourd'hui au ras du sol, mais bien à 5 mètres accrochés aux branches.
Les hommes ont donc goûté, apprécié, dégusté même cette petite baie très tôt dans leur histoire, on va dire (mais ce n'est pas très scientifique !), depuis toujours ! Mais la question est donc : où, quand et comment ont-ils commencé à "adopter", à sélectionner, à cultiver cette liane sauvage ? 
C'est bien sûr une fois encore tout le processus de domestication d'espèces naturelles qui fonde la "révolution néolithique" qui est ici au centre de l'interrogation. 

http://www.penn.museum/sites/biomoleculararchaeology/wp-content/uploads/2009/11/Vouillamoz2006ArmeniaGeorgiaTurkeyGenotyping11.pdf

A la recherche d'un homme remarquable

La nuit est tombée sur Tbilissi. J'entends la ville qui bruisse, les klaxons me paraissent étouffés au loin.
Dans la cour d'à côté, les jeunes font un feu dans la neige, avec des planches de récup. Ce sont plusieurs familles qui s'entassent dans quelques appartements, ils viennent des montagnes ou des campagnes. D'après Marina, qui leur porte des fois quelque chose à manger, ils n'ont rien, ou presque, pas de travail, pas d'argent, enfin rien de fixe, c'est au petit bonheur. Pourtant, il y a toujours dans la cour au moins deux Mercédes énormes et nickel !

Je voudrais bien savoir où Gurdjeff avait installé son "Institut", dans quelle rue, dans quelle maison. A l'époque, on appellait la ville Tiflis, nom magique aux résonnances de la Route de la Soie, de la Porte de l'Orient, entre la sauvagerie du Caucase et l'âpreté des déserts d'Iran. L'époque, c'est 1916. C'est l'explosion de barbarie dans l'Europe qui se voulait Mère de la Civilisation, on s'entretue, on se massacre, on s'extermine. Le reste du monde regarde effaré ce déchaînement, ce paroxysme de folie sanguinaire, avant de glisser peu à peu dans le gouffre, comme attiré aussi par ce vide absolu de la conscience humaine. En Russie, la Révolution éclate, les vies ne valent plus grand chose ici non plus, chaque camp produit ses exaltés, ces fous qui entrainent le troupeau dans la vengeance et le rêve de domination, on tue, toujours, on viole, on humilie.

C'est dans cette débâcle de l'humanité que Gurdjeff navigue avec ses élèves pour bâtir son institut, poursuivre son travail. C'est d'ailleurs ce qui lui donne certainement beaucoup de relief, on le voit parcourir le pays, de Saint-Pétersbourg à Tiflis en passant par Sebastopol, occupé à trouver un endroit épargné par la folie, la peur, les dénonciations, les réglements de compte, pour installer une bulle de paix, d'harmonie, de vision et de conscience. Il y a un tel décalage entre les oscillations, les vibrations violentes, guerrières de toute la Russie, tous les trains, les routes, les gens à pied, à cheval qui parcouraient le pays en tous sens, et qui croisaient Gurdjeff et sa petite troupe, s'agitant aussi mais avec juste l'obstination de trouver une retraite ! Comme un monastère !

Riva del Vin, Riva della Fortuna

Le Vin, Fortune des mers. Fortune de Venise le poisson borgne tapi dans la lagune.
Quelques cabanes grelottantes et pourries investissent les îlots brumeux, serrées sur le point haut (?) pour échapper aux vagues des hautes marées. Quelle idée de se fixer ici. On ne fait rien pousser, ni blé, ni vigne,ni arbres fruitiers. Seul avenir : pêcher les quelques poissons vaseux du delta, ou partir, partir chercher ailleurs ce qui n'existe pas ici. Et ce sera la fortune de Venise.
Le vin, les Vénitiens sont allés le chercher sur les rivages de la Grèce, dans les îles de la mer Egée, à Chypre.
Riva del Vin, Riva della Fortuna.



Le commerce ! C'est fascinant de voir que le vin a généré dans l'Histoire parmi les commerces les plus importants ! Ce qui agitait les hommes, les poussait à braver les mers ou les fleuves peu sûrs, les lançait des mois hors de chez eux, de leurs cités, de la sécurité, pour la plus grande part c'était pour le commerce du Vin !!
Dans l'Antiquité, les Grecs bien sûr qui envahissent la Méditerranée avec leurs bateaux chargés d'amphores, puis les Romains. Mais avant, en Mésopotamie déjà, les vins que l'on retrouve aux tables riches de Ur, Summer ou Babylone viennent des monts Zagros de Perse ou des plateaux anatoliens. De même en Egypte, les vins retrouvés dans les tombes ne semblent pas provenir de la vallée du Nil mais plutôt de Chypre ou de Phénicie.
Au Moyen-Age de même, les flux commerciaux parmi les plus importants sont générés par le vin. Particulièrement du territoire de ce qui deviendra la France, vers les marchés de cette Europe du Nord qui commence à s'enrichir. Charentes, Bordelais, Loire, pour la facade atlantique, Vallée du Rhin, Bourgogne pour les voies terrestres.

Ce qui surprend toujours, c'est que ce soit le vin qui soit à l'origine de toute cette agitation !
Il s'agit d'un objet non vital, inutile presque, compliqué à produire, à conserver, à transporter ! Qu'est-ce qui pousse les gens à dépenser autant d'énergie, de santé, d'argent, pour aller chercher ou vendre ce breuvage particulier !! Quelle qualité majeure est cachée dans son coeur qui séduit autant les hommes ?

Madagascar, le vin et les ancêtres.

Quel étrange destin que la vigne !
Vitis vinifera parcourt le monde avec ses maîtres, au gré des conquêtes ou des marchés !
OU peut-être est-ce elle, le maître, et nous ses esclaves qui la servons, l'entretenons, la multiplions. Quelle meilleure stratégie une plante pourrait-elle trouver que de devenir indispensable à l'espèce humaine ?


L'Afrique l'accueillera (en dehors bien sûr de l'Afrique du Nord, qui, toute à son versant méditerranéen, a connu les faveurs de la liane depuis les origines) avec les voyageurs et les colons portugais, espagnols, français, anglais et hollandais. Il y aura l'Afrique du Sud qui entrera dans le club select des grands crus, mais il y a aussi d'autres régions plus exotiques, comme Madagascar !

L'ancienne colonie française fait du vin, encore aujourd'hui, et pas le plus horrible, malgré sa position tropicale ! Les Hautes Terres du Betsileo, dans la région d'Ambalavao, accueillent quelques domaines qui tentent de s'imposer dans le paysage malgache. 

Mais on n'implante pas si facilement une boisson nouvelle dans un pays africain, où le culte des ancêtres est ritualisé en partie autour de l'alcool, le rhum que chacun fait soi-même à partir de la petite plantation de canne qui pousse derrière les maisons. 

Musée secret...


Découvrir les trésors entreposés dans les salles réservées du Musée National à Tbilissi, c'est le début d'un voyage dans le temps qui nous amène aux fouilles d'Arakhlo, sur les traces du premier vin de l'humanité !

trouble (Tbilissi)

sur le trottoir, de l'autre côté, la chaussée nous sépare, je rentre à ma chambre, l'après-midi se traîne, la journée a été normalement active. Une fille, 12 ou 14 ans. Assise, un peu recroquevillée. Seule. La rue est passante, c'est cette même rue aux boutiques où les gens passent avant de rentrer chez eux le soir.
Elle est là, assise à même le macadam un peu sale du trottoir. Il fait beau, pas froid, sec. Elle est habillée très propre il me semble, avec de grandes bottes qui montent presque jusqu'aux genoux, ça fait assez mode.
Elle est lycéenne, disons collégienne, elle est assez jolie, mais elle s'en fout, elle ne sourit pas, elle est seule et elle mendie. Elle ne tend même pas la main, mais elle attend par terre un peu d'argent des passants. On est pas loin de l'église russe, les gens sont charitables, aussi.

Note filmique # 2

Bourgogne / concepts à explorer l'homme mystique, à la recherche d'une perfection, d'une pureté, d'un idéal, mais qui doit aussi composer avec un monde complexe, corrompu, imparfait, fait du bien et du mal. L'homme objet des forces contraires : pureté, esprit, ou homme terrestre, charnel, plaisir, envie, désir, pouvoir, argent. Vision des moines de l'An Mil. élan de foi, de mysticisme qui saisit l'Europe. Retour à des valeurs pures, fortes, originelles. Pauvreté. Courage. Opposition et affirmation face aux puissants, de la force de l'âme sur celle du pouvoir. Organisation, communauté : l'abbaye est tendue vers la rigueur et l'efficacité, spirituelle, mais aussi matérielle : l'entreprise est née ! Bâtisseurs, architectes du paysage de Bourgogne, la foi modèle les paysages : “climats”, églises, calvaires, etc. La vigne et le vin sont une sorte de milieu, de mélange, entre la mystique (sang de Dieu), l'économique (boisson fortifiante, boisson d'hôte, de messe) et le profondément humain (joie, plaisir)

Tbilissi objet rêvé


J'aime Tbilissi ! Si, je l'avoue. De mille aiguilles fugaces qui me piquent la raison.
C'est la magie d'un voyage inattendu, imprévu, qui est arrivé tout seul par un scénario. La quête de l'histoire du vin ouvre une porte secrète, cachée depuis toujours dans un coin du monde, mais on ne la voyait pas, on n'en avait pas besoin, pas envie, pas connu, personne ne parle de Tbilissi.
Alors quand le voyage vous emporte vers ce nom magique, le mystère de l'évocation agit en vous aussitôt, sans pouvoir se défendre, un tourbillon fait d'espace, de mystique, d'encens et de cavaliers vengeurs qui déferle et remonte les rues pavées en faisant claquer les sabots dans la ville endormie.
Alors il faudra parler de cette rue de Marjanishvili, éclairée le soir par les boutiques qui se pressent, en demi-sous-sol ; ce sont des épiceries générales, la marchande de fromages, une vitrine de gâteaux roses énormes, en plâtre je suppose - ils sont là depuis 3 ans ! Il y a l'odeur chaude du pain traditionnel qui remonte d'un soupirail, le vendeur de fruits et de légumes et sa lampe nue, les bornes automatiques de mobiles, les cahutes de cigarettes.

Il faudra parler de la tour de télé qui jette son délire de guirlandes speedées vers le ciel orangé chargé de neige.
Il faudra parler de la tombe de ce prêtre orthodoxe (russe) qui amène tout le temps, à toute heure du jour et de la nuit, des gens, des femmes, des jeunes, des vieilles, des hommes, des jeunes, des vieux, tout le temps des gens viennent prier, mettre des bougies, s'asseoir, parler.

Il faudra parler cinéma, de la lecture de la vie de Paradjanov, à ces tournages en pleine rue ou même sous mon nez, sur le balcon de ma chambre !
Il faudra parler de Gurdjeff, qui vécut vers 1916/17, qui fonda un temps son école philosophique. C'est quand même fascinant de lire Gurdjeff le soir dans cette ville que l'on entend bruire encore, un appel dans la rue, le ronflement d'une Mercedes, le vol d'Air France qui arrive à 23 heures en survolant le nid lumineux d'une ville du Caucase.