Guerre et Paix

( bon, le titre de ce post n'est pas très original... certes ! )
mais c'est une réflexion qui me trotte dans la tête depuis un moment déjà.

D'une manière ou d'une autre, ce sont les guerres qui laissent des traces, qui laissent des bagages aux archéologues ou aux historiens. Ce sont les guerres, qui, bien qu'elles détruisent, qu'elles laissent des ruines, en plus de tuer des hommes, les guerres laissent leur marques dans l'imaginaire collectif, elles se perpétuent longtemps après dans les histoires, les mythes, les légendes.
Le traumatisme violent que subit un peuple, une population au passage des armées, des pillages, des violences physiques et culturelles, doit s'exorciser par la mise en scène de héros, de protections divines, de chefs et de faits d'armes ou de bravoure collectifs ou individuels.
Et cela s'inscrit fortement dans la trace, l'empreinte que pourra laisser un peuple dans le cours du temps et de l'espace, dans l'histoire.

Notre culture, notre éducation, notre pensée historique incline fortement vers cette vision, nous ne faisons pas beaucoup d'efforts pour essayer d'imaginer autre chose que ces récits guerriers, pour voir l'histoire des hommes comme autre chose qu'une succession de batailles, d'invasions, de massacres et d'art militaire !

Et pas que la guerre d'ailleurs ; mais aussi le pouvoir, les grands chefs, les sociétés de plus en plus hiérarchisées, toute cette panoplie de sociétés tyranniques, ultra-inégalitaires, esclavagistes, écrasantes, toutes ces sociétés sont celles qui fascinent les historiens, et les gens en général...
Dans un autre livre d'histoire, récent, on parlait des siècles obscurs, cette période de la fin de l'Age de Bronze, où on ne trouve plus de grandes cités, d'Etats, de guerres intéressantes, où il n'y a plus d'ors et de monuments grandioses, où l'historien se retrouve tout nu, sans palais fantastiques à chercher, comme Troie ou Cnossos, sans alphabet mystérieux à déchiffrer, sans trésor à déterrer...
Est-ce que cela veut dire que le monde s'est arrêté ? Est-ce que cela veut dire que les gens n'existaient plus ? que les villages étaient abandonnés ? Que la vie s'est arrêtée pendant un demi -siècle ?? L'auteur tournait le dos résolument à cette époque, qui visiblement ne l'intéressait pas, au point d'en dire (bon, je cite de mémoire, je n'ai pas le bouquin, je n'ai même plus les références, il faut absolument que je retrouve ça !) :
"ces pauvres gens, ces peuples sans but, sans destin, qui ont disparu dans le vide de l'oubli, qui n'ont rien laissé dans la gloire de la civilisation et de la grandeur humaine, ces sociétés que l'on pourrait croire retournées à la préhistoire, à l'animalité, d'où ne reste aucun dieu, aucun roi glorieux, aucune pyramide, aucun art, aucun écrit, aucune trace de leur grandeur, de leur ingéniosité, de leur humanité !!! "

Wow ! quelle condamnation sans appel !! Qu'est-ce qui permet d'affirmer cela ?
Pourquoi a-t-on à ce point besoin de l'écriture pour croire que l'on est humain ? Les milliers et les milliers d'années de tradition orale, l'incroyable transmission des récits, des visions, des croyances, des savoirs, qui depuis la nuit des temps accompagne l'humanité sont-ils à rayer d'un coup de plume supérieur ?

En quoi les sociétés hyper-autoritaires, hiérarchisées, dominées par quelques castes guerrières, religieuses ou marchandes sont-elles à ce point la référence de ce qu'est une civilisation, un peuple civilisé ?

Bien sûr, ces sociétés coercitives peuvent lever de la main d'oeuvre humaine en grande quantité, la faire travailler et la faire mourir, et avec cela construire ces merveilles que sont les pyramides, les amphithéâtres, les ziggourats, que sais-je encore, toutes ces ruines fascinantes qui nous restent pour nous évoquer ces périodes !
Bien sûr que ces sociétés ont dégagé un surplus de richesse de leur organisation, de leur structuration, que cela s'est traduit par des scientifiques, des écrivains, des artistes, des techniques nouvelles, des inventions, une vraie stimulation intellectuelle qui a poussé les hommes vers l'avant.

Mais arrêtons de croire que l'humanité ne doit, et ne peux ressembler qu'à ces structures sociales violentes, injustes, arbitraires, inégalitaires, guerrières !

Pourquoi oublier l'immense majorité des gens qui vivent là, à ces époques, dans toutes les parties du monde, qui habitent dans de petits villages, ou dans de petites cités pourquoi pas, qui sont la réalité absolue de l'espèce humaine, ils en sont le corps, la matière première, tous ces paysans qui, jours après jours, pendant un mois, un an, cent ans, mille ans, une dizaine de milliers d'années, tous, vivent, naissent  s'amusent enfants, souffrent, meurent, survivent, aiment, jouissent, chantent, tremblent devant la tempête et l'orage, subissent la sécheresse, partent sur un chemin vers un ailleurs, observent la nature, imitent ses techniques, inventent des outils, sculptent pour leur plaisir, ou par inspiration, rêvent de dieux, de créatures, de puissances, racontent des histoires, perçoivent les forces du monde...

Ce sont ces hommes là qui sont le terreau de toutes ces merveilles que quelques dictateurs ont un jour voulu bâtir à leur seule gloire et leur seul orgueil !

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