de l'utilisation de la fiction en milieu documentaire...

Surgi du noir du Temps, un homme vêtu d'une longue toge, à l'air dur mais efféminé également avance dans des groupes de personnages immobiles, figés, menaçants, suspicieux. La cité est suspendue aux pas de cet étranger. Le dieu du Vin est dans les murs, on ne sait pas ce qui va arriver, une menace, un espoir, une folie...
Comment mieux raconter le mythe dionysiaque que de le jouer, de le faire revivre ? La parole des historiens, des savants, des archéologues ou des philosophes, des hellénistes ou des psychologues n'y fera rien : la puissance du mythe tient à notre identification, à notre immersion dans le frisson de la Vision !

La magie du Cinéma est là pour ça ; depuis plus d'un siècle, le cinéma nous propose le voyage imaginaire, le rêve éveillé, faire émerger du néant, des profondeurs de notre inconscient des histoires et des associations d'idées qui nous provoquent et nous éclairent.

La fiction est en accord parfait avec le Vin ! Le Vin nous décale de la réalité, comme la fiction. On veut toujours définir le documentaire comme "une vision du réel" ! Mais je ne crois pas. Qui peut affirmer que la caméra installée dans un milieu ne déforme pas ce milieu ? Qui peut seulement imaginer que la présence du réalisateur, de son attente, de son intention, n'est pas un facteur dérangeant, modifiant, pour la scène, les rapports humains, les attitudes, les arrières-pensées ?

Dans l'Histoire du Vin, la fiction va renforcer la partie documentaire. Elle seule peut expliquer la part d'incontrôlable, de spontané, d'irréfléchi, d'illogique dans les actes et les attitudes des hommes confrontés au Vin. Elle peut nous proposer d'entrer dans les mécanismes psychologiques complexes enfouis dans la psyché humaine et révélés par le vin, elle peut nous proposer une lecture des élans amoureux, spirituels, de la part d'animalité, de sauvagerie et de rebellion qui nous habite tous à des degrés divers.

 Mais il n'est pas simple d'intégrer ce voyage imaginaire dans le propos documentaire. Dans bien des cas, la frustration, le côté plaqué et artificiel du mélange des genres va sauter aux yeux. Si l'on est bien dans le propos documentaire, si le film avance bien, de la découverte avec les scientifiques des usages et des témoignages historiques, pourquoi se plonger dans un univers subjectif, propre à l'auteur, fantasmé, inventé, même sur des bases historiques ? Pourquoi, lorsque l'on est entré dans la fiction, lorsque des personnages ont commencé à nous attirer dans leur histoire, dans leur psychologie, dans leurs tourments ou leurs interactions, pourquoi les quitter à nouveau pour écouter parler un type de maintenant qui discoure sur cette scène ? Quelle frustration ! C'est tout le défi qui nous attend dans ces reconstitutions, cette mise en fiction, cette vision personnelle et artistique que je voudrai proposer !

sources images :
http://bloodandartsart.tumblr.com/post/104259372828/dionysus-ii-ballpoint-pen-on-moleskine
http://wheredionysosdwells.tumblr.com/post/107595662920/animus-inviolabilis-etude-of-a-bacchante-on-a
http://drakontomalloi.tumblr.com/post/87521060360/workshop-of-leonardo-da-vinci-bacchus-n-d
http://40.media.tumblr.com/425832f1345b3c23e4ad264415c713d5/tumblr_n8gqikM6Zb1rs1xsxo1_1280.jpg