Le fabuleux trésor de Vix

Bien caché dans une petite ville tranquille de Bourgogne, Châtillon-sur-Seine, se trouve un objet exceptionnel, une merveille archéologique qui vaut bien à elle seule le voyage !

Le Vase de Vix !

C'est un cratère grec immense, le plus grand connu à ce jour, qui a été découvert en janvier1953 au pied du Mont Lassois sur la commune de Vix. Le cratère est un vase à vin de grandes dimensions où l'on venait puiser lors des banquets, les symposions.
Celui là est gigantesque, 1m64 de haut, 1m27 de diamètre maximal, il pouvait recueillir 1100 litres de vin !
En fait, on pense qu'il s'agit d'une pièce d'apparat, un cadeau démesuré fait en ambassade par des gens qui avaient intérêt à s'assurer les bonnes grâces des autochtones qui vivaient là !
Pour les premiers, on identifie facilement des Grecs de Grande Grèce, c'est à dire la Sicile, ou de Laconie dans le Péloponnèse. Pour les seconds, il s'agit des Gaulois qui vivaient dans cette région du nord de la Bourgogne, les Lingons ?

Bon, il y a suffisamment de littérature à propos du Vase sur internet pour ne pas répéter les mêmes choses. En tous cas, la visite du petit musée de Châtillon est passionnante, c'est rempli de pièces uniques, de merveilles, comme ce torque en or que portait "la Princesse de Vix".

2 liens utiles :
pelerin.com
musee-vix.fr




En fait, ce que je voulais rapporter ici, c'est le récit de cette découverte. Il est écrit dans un livre par son découvreur, René Joffroy, ou plutôt son co-découvreur, le vrai "inventeur" du trésotr étant juridiquement Maurice Moisson. Cela vient d'un vieux bouquin qui trainait dans le grenier familial, un récit qui sent bon le côté désuet, très "vieille France", où le bon professeur de campagne se révèle être un archéologue de talent et ou son "fidèle auxiliaire" de la campagne est traité avec un paternalisme déroutant !
Résumé de la situation : en 1940, René Joffroy est nommé professeur de philosophie à Châtillon. Depuis 1929, le Mont Lassois est connu pour ses innombrables poteries, fouillées par Lagorgette et un paysan-chasseur du coin, Maurice Moisson. Joffroy, archéologue amateur confirmé, embauche Moisson et ils reprennent des campagnes de fouilles à Vix avec quelques subventions publiques.
En décembre 1952, la campagne se termine avec rien d’extraordinaire au tableau... Objets en bronze, des centaines de tessons de céramiques, les vestiges d'un rempart de fortification gaulois. Il reste 15 000 francs (de l'époque ! ceux qu'on appelait anciens francs, donc 150 francs !). On est le 3 janvier 1953, il neige, Moisson a dit  qu'il y avait des cailloux dans un champ qui "n'avaient rien à faire là" ! Allez, un dernier sondage pour utiliser le reste de sous, et après on arrête pour cette année.
Ils se mettent au travail, découvrent après une journée qu'il s'agit d'un tertre funéraire, une tombe gauloise. Ils sondent vers le centre, mais la chambre est vide. Il n'y a rien, une fois de plus ! On arrête, c'est fini. 
Voilà le récit :

"Le point final de cette camapgne de fouilles 1952 est mis, il ne reste plus qu'à envoyer le rapport de fouilles. Mais Moisson n'est pas rentré au village aussitôt ; il a retroussé ses manches sur ses bras que le froid colore et s'est mis à une dernière tâche ; en effet, avant la nuit complète, il allait enlever encore quelques cailloux en les retirant de l'eau. Cette obstination paysanne était méritoire et il convenait de laisser notre dévoué collaboratuer à cette tâche, qui pouvait apparaître vaine.
Des heures qui parurent interminables
C'était un mardi matin, et il m'en souvient bien. Il est 7h15. Alors que je suis en train de me raser, un coup de sonnette retentit. Quel peut être le fâcheux qui vient à une heure si matinale ? Dans la porte s'encadre Moisson et le rapport m'est fait, court et sans fioritures de style :
- Vous n'étiez pas parti deouis cinq minutes qu'en retirant les cailloux je suis tombé sur quelque chose en bronze. Je n'ai touché à rien, il faut que vous veniez. 
Hélas, le collège de Châtillon m'attend. Et comble de malchance, le mardi j'ai cours de 8 heures à midi, deux heurs de philo, une heure de latin, une heure de français. Je questionne Moisson :
- Ce morceau de bronze, comment est-il ?
Je pense tout de suite à une situle, sorte de seau tronconique, ou à un ciste, autre forme de seau dont le décor est formé de ceintures parallèles en relief. Je décris ces récipients ; mes paroles n'éveillent en Moisson aucun écho. Non, la petite lessiveuse ou le seau en bronzen ce n'est pas cela, et c'est par cette description imagée, mais combien énigmatique, que Moisson conclut :
- C'est arrondi, massif, et ça ressemble à un bât de mulet.
Et l’entretien se clôt sur ce leitmotiv :
" Il faut venir tout de suite ."
Moisson repart, nanti de la recommandation de ne toucher à rien. Il faut se garder de toute hâte. Il est vrai qu'avec lui il n'y a aucun risque, car cet admirable auxiliaire, qui a exhumé tant de dizaines de milliers de tessons céramiques, est "sage". Jamais je ne l'ai vu en proie à la frénésie de la découverte, et c'est pourquoi il est pour moi le fouilleur parfait. 
Adonc, comme aurait dit Rabelais, je fus à 8 heures bien exactement au collège.  Quel était le sujet de mon cours, je ne me le rappelle plus ; mais ce que j'ai appris ce matin-là, c'est la valeur de la distinction bergsonnienne du temps réel et du temps psychologique. On sait que l'heure est composée de soixante minutes et de soixante secondes. Et bien non, ce matin-là, les heures eurent infiniment plus de soixantres minutes et les minutes infiniment plus de soixante secondes ! Jamais les aiguilles de ma montre ne se révélèrent aussi lentes. 
Midi. Je regagne la maison. Ma motocyclette est dans le garage. Un quart d'heure après je suis à Vix. J'entre chez Moisson. Sur la table, il y a soigneusement groupés en tas, des tessons grecs à figures noires, et, pour la première fois, ces tessons se raccordent ; on imagine que quelques gouttes de colle suffiront pour remonter un vase - c'était une coupe - presque complet.
Jamais jusqu'alors une telle chance ne s'était présentée. A côté, c'est un fragment de bronze : sur une console en S un lion admirable de vie est campé ; le métal sombre est recouvert d'une fine poussière gris-vert qui rappelle le délicat velouté des prunes cueillies sur l'arbre. 

Tout ceci a été recueilli ce matin par Moisson, qui, pour une fois, a manqué à ses bonnes habitudes : il n'a pu se retenir de chercher un peu plus loin ; mais il a pris grand soin de noter la position exacte des tessons et la position du lion en bronze. Je vais sur le site. Paris (l'assistant de Joffroy) y est aussi. Moisson enlève un vieux sac tout mouillé et quelques pierres, protection qu'il avait mise contre d'éventuels curieux. Apparaît alors le visage d'une Gorgone. C'est Méduse, qui fort irrévérencieusement me tire la langue.
Paris dit : "C'est sensationnel". Moi, je ne dis mot. Nous enlevons les pierres pour mieux y voir : le "bât de mulet" se révèle être le dos d'une anse d'un vase énorme, sans équivalent connu. Entre les pierres brille un reflet de métal clair : c'est une coupe en argent, cabossée, mais dont le fond est orné d'un ombilic en or ; dedans il y a des ossements verdis d'un petit animal, qui ont une teinte magnifique de malachite. Tout cela est recueilli avec soin. Et je songe qu'à 3 heures, j'ai un cours de latin. Il me faut partir. 
Une neige fine tombe toujours, enveloppant d'un voile mélancolique la terre empesée de richesses imprévues..."

René Joffroy
Le Trésor de Vix
Histoire et portée d'une grande découverte.
Fayard. Collection "résurrection du passé". 1962


Voila des photos tirées de ce livre. Je trouve que, comme le texte, elles sont émouvantes ; on y devine l'étrange ambiance, exaltante et surréaliste de cette plaine enneigée, de ce trou bourbeux, de ce petit coin perdu où 3 bonshommes bougent des pelletées de cailloux et de boue et où apparaît un objet incroyable, très ancien, une anse de bronze parfaite, très grande, qui laisse supposer... quoi ? Et c'est toute la magie de l'archéologie qui est à l’œuvre, au moins celle qui fait rêver et nous fascine, nous les profanes, ce quoi plein de promesses et d'espoirs inquiets, car ils se doutent bien que dessous il n'y aura certainement pas grand-chose, en tout cas des choses très abimées, détruites par le temps et l'eau de la nappe phréatique de la Seine qui coule à quelques dizaines de mètres.
Et pourtant, le cratère magnifique sera bien là, au rendez-vous... magnifique !


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